Jeannine Alain Leblanc née le 4 juillet 1929 dans le quartier St-Sauveur à Québec. Fille de Lucien Alain épicier près du parc Desrochers. Maman ne connut pas beaucoup sa mère qui décéda peu après sa naissance. Lucien qui ne pouvait tenir seul avec une jeune enfant boutique et maison demanda à sa cousine, une sœur de la congrégation Jésus Marie si sa communauté pouvait l`aider pour élever cette enfant de 4 ans.
Maman fut donc la plus jeune élève pensionnaire, pendant la semaine, au collège Jésus Marie. Elle a été prise en main par une sœur dont la tâche principale, la chanceuse, était de s’occuper exclusivement d’elle, comme une mère substitut. C’est surement beaucoup d’amour qu’elle a reçu de cette femme qui a formé son caractère à donner beaucoup d’amour à plein de gens dans le restant de sa vie. Maman reçu une éducation classique personnalisée, ce qui était rare pour bien des filles de sa génération provenant de la basse ville.
À l’adolescence, elle rencontra Jacques dans l’autobus qui partait de st Sauveur vers la haute ville. Je l’imagine adolescente, rigolant avec ses copines, gênée devant ce jeune homme bizarre, séduisant avec ses petites lunettes rondes, doctorant en biologie, de huit ans son ainé, promis par sa mère Alma à devenir prêtre. Jeune, Jacques, papa, avait été remarqué par le curé de St Joachim et, malgré sa pauvreté dans une famille monoparentale de sept enfants, il a pu faire un cours classique complet et compléter un doctorat en biologie au Séminaire de Québec en 1951. C’est oncle Marc, l’ainé et pourvoyeur de la famille, qui a travaillé comme ouvrier au Séminaire pour payer les études de ses trois frères. Les yeux noirs brillants comme des billes de maman ont dû séduire papa. Grace à Dieu, que Jacques ne soit pas devenu un prêtre car je n’aurais pas pu vous raconter cette histoire aujourd’hui.
À l´époque, Jacques a dû demander la main de Jeannine auprès de son père Lucien. Ce dernier s’inquiétait de l‘avenir de sa fille unique avec un gars sans un sou, bohème, avec un bizarre de métier de chercheur. Souvent il demandait : Qu’est ce qu’il cherche au juste? C’est tu payant ça, chercheur ? La mère de Jacques acceptait mal que son fils ait été dévié par Jeannine de sa vocation de prêtre en devenir.
En 1950, un doctorat ne valait peut-être pas le papier sur lequel il était écrit au Québec, particulièrement si celui qui le détenait n’était pas du clergé. Jacques et Jeannine déménagèrent donc à Toronto car il y avait du travail pour lui. Ma sœur Louise y est née.
En 1953, une autre opportunité s’est présentée à papa pour faire de la recherche pour aider les soldats à mieux s’adapter au froid dans les régions polaires. Quelle aventure pour maman. Elle habitait maintenant le grand Nord, Fort Churchill Manitoba, la capitale mondiale de l’ours polaire. Mon frère André et moi-même y sommes nés. La famille y a résidé 3 ans.
Le travail et la famille se sont ensuite déplacé en 1956 à Baltimore Maryland. C’est maman qui dans la même journée a trouvé une maison, appelé son père pour un petit prêt, puis acheté la maison pour loger toute la famille pendant que papa travaillait encore à chercher, je ne sais pas trop quoi, dans son laboratoire de recherche.
C’est un appel de monseigneur Parent, en 1958, qui fit revenir toute la famille à Québec car papa avait maintenant un travail à l’université Laval à Ste Foy.
Lorsque nous sommes devenus adolescents, maman commençait à s’ennuyer à la maison et avait besoin d’action, même si, nous comme adolescents, on lui en avait déjà beaucoup donné. Maman s’occupa de son père vieillissant et chercha un travail à l’extérieur du foyer. Maman est une femme moderne pour l’époque. Bilingue, elle conduit une auto depuis l’âge de 16 ans. Elle joint donc les rangs de Statistique Canada pour solliciter des informations d’intérêt national auprès de gens pas toujours coopératifs. Comme James Bond, rien ne l’arrêtait, le travail de recherche d’information avant tout. Elle s’infiltrait dans des milieux louches du mail st Roch, chez quelconque motard protégé par un chien méchant. Elle adoucissait d’abord le chien méchant qui ne pouvait résister à une si bonne personne et ensuite, avec son questionnaire, elle interrogeait à fond le client récalcitrant qui n’en revenait pas de la ténacité de cette enquêteuse.
Suite à sa carrière à statistique Canada, elle a ensuite été collecteur de loyer pour un syndicat dont elle était la tête dirigeante. Dans ce syndicat, papa trouvait des maisons à vendre qui avaient besoin de beaucoup de réparations. Oncle Guy et André les rénovaient, maman s’occupait des notaires, de l’achat, des taxes et hypothèques, collectait les loyers et s’occupait des problèmes courants: mauvais payeurs, locataire parti sans avis ou en prison.
Maman a aussi exercé le métier de chauffeur. Comme une bonne mamie elle a rendu de grands services à transporter et garder ses cinq petits-enfants. Elle conduisait ses amis au casino de la Malbaie, au bridge, au domaine Forget, aux États unis pour magasiner et au restaurant chaque semaine pour se divertir. Elle avait beaucoup d’amies, elle en prenait soin.
Maman a su être l’écoute des petits et des grands, enfants et amis, gens de toute classe ou condition, en toute simplicité et sans prétention. La fréquenter, c’était rencontrer une personne allumée sur plein de sujets, c’était de se combler de sagesse, d’une grande culture et de conseils d’une personne qui a vu de l’eau couler sous les ponts. Elle avait une belle attitude positive de vie en nous racontant en riant les petits malheurs qui lui étaient arrivés toujours avec un air détaché et rigoleur.
Jeannine a eu une belle vie avec trois enfants et un Jacques, adolescent, poète du quotidien, peintre de gens et de lieux, rêveur, chercheur. Sans elle, les projets excentriques de papa de vie de campagne, voyages, séjour familial d’un an en Angleterre n’auraient jamais eu lieu. Elle a su soutenir toute cette famille et voir à toutes les nécessités familiales administratives, alimentaires et souvent elle a dû ramener sur terre ce rêveur de Jacques.
Beaucoup de gens que j’ai contactés m’ont dit `C’était une bonne amie et une grande dame qu’on a perdue’